Friday, June 17, 2011

Le cimetière de Port-au-Prince

Salut tout moun

J'ai visité le cimetière de Port-au-Prince et je tiens à partager mon expérience avec vous.  En fait, je vous propose un court safari photos du cimetière de Port-au-Prince.  Cette entrée de blogue est assez longues ... non en raison du texte mais plutôt en raison de la quantité de photos que j'y ai insérées.  Je vous montrerai quelques images du cimetière, du vaudou au cimetière et des archives du service de décès.

Le cimetière de Port-au-Prince est, en soi, un monument très important pour le patrimoine de la capitale haïtienne.  D'ailleurs, vous constaterez ici que celui-ci a été fondé avant l'indépendance d'Haïti, qui a eu lieu en 1804.



Vous noterez l'inscription "Adieu Ti Bachout"... on retrouve de telles inscriptions sur plusieurs murs des villes touchées par le tremblement de terre où les gens expriment leur souffrance suite à la perte d'êtres chers.




Vous voyez ici l'entrée principale du cimetière, où se trouvent les bureaux du service des décès de la Mairie de Port-au-Prince. Passé  l'entrée principale du cimetière et juste avant d'entrer dans l'enceinte même, vous retrouvez une citation de Victor Hugo...



Et nous entrons dans le cimetière de Port-au-Prince. ....
Dans un premier temps, j'attire votre attention sur le nouvel éclairage qui est posé dans le cimetière.  Vous constaterez qu'il s'agit d'un lampadaire solaire.  En effet, ceux-ci sont très en vogue présentement en Haïti puisqu'ils offrent un éclairage plus efficace que ceux qui sont alimentés par l'électricité fournie par le gouvernement (Électricité d'Haïti) qui ne founit du courant que 4 heures par jours à certains quartiers de la capitale.



Le cimetière de Port-au-Prince est très vaste. Il est traversé par une ruelle bordée de multitudes de caveaux.  Je vous montre ici cette rue. Vous verrez qu'on retrouve une belle végétation dans le cimetière, qui est par ailleurs plutôt abondante dans certains secteurs de la nécropole. En effet, des infiltrations d'eau ont pour effet de non seulement détruire les tombes mais aussi de stimuler la pousse de végétation.



Les caveaux sont de couleurs multiples et de styles disparates qui rendent la visite tout à fait agréable!  En fait, le design des caveaux fait preuve d'une certaine originalité et individualité.  Je vous montre quelques photos... vous comprendrez que j'en ai pris des dizaines mais pour illustrer mon propos, il serait plutôt fastidieux d'en mettre trop.


Les circulent entre les tombeaux et l'arrangement du cimetière rappelle à certains égards les bidonvilles de Port-au-Prince.  On retrouve des corridors pour circuler entre les structures.



Vous noterez que c'est quand même bien entretenu.  En effet, la Mairie de Port-au-Prince a une équipe d'une dizaine de personnes qui ont pour mission d'entretenir le site.  Ce qui n'est pas une mince tâche étant donné son étendue et la quantité phénoménale de caveaux.

Certains personnages enterrés ici sont tristement célèbres, ainsi, vous retrouvez ici la tombe de François Duvalier.  Après le départ de Jean-Claude Duvalier, le dernier repos de Papa Doc a été troublé et sa tombe saccagée.



Vous remarquerez l'inscription rouge "MTPTC 1".  Cette inscription se retrouve sur plusieurs immeubles car, suite au séisme du 12 janvier 2010, le Ministère des travaux publics, en collaboration avec l'organisme UN-OPS, a entrepris de classifier les immeubles des régions touchées par le tremblement de terre en trois catégories:  à démolir (rouge), pouvant être reconstruit ou réparé (jaune), en bon état (vert).  En fait, je résume car  dans chaque couleur, il y aurait une gradation et une étude plus approfondie des immeubles devra être réalisée. Mais ce qui a attiré mon attention est le simple fait que sur la tombe de Duvalier, les représentants de l'état ont prit la peine d'apposer l'inscription du MTPTC.  Ceci n'a pas été fait pour les autres caveaux, bien évidemment.

Pour les curieux: le "1" est le numéro de l'équipe qui a réalisé l'inspection et apposé le sceau.

Avant de passer à autre chose, je tiens à vous montrer en clair quels sont certains effets de l'eau sur le cimetière:


Le végétation pousse abondamment dans la partie "basse" du cimetière et des études et travaux devront être entrepris pour corriger la situation. Il faut aussi noter que l'abondance d'eau a pour effet de remplir les cercueils et par la suite, cette eau s'écoule dans la basse ville ce qui peut causer des problèmes de santé chez les habitants de la zone.
Le séisme du 12 janvier 2010 a causé plus de 300 000 morts, selon certains estimés.  Or, ces gens devaient être enterrés quelque part, notamment dans la fosse commune du cimetière de Port-au-Prince.  On m'a dit que plus de 50 000 corps y sont entassés.   La Mairie a fait poser un monument dédié aux personnes enterrées dans la fosse commune de Port-au-Prince:




Voici la peinture sur le mur situé derrière le monument:




Le vaudou au cimetière:

On ne peut parler de cimetière en Haïti sans glisser un mot sur le vaudou haïtien!  Ici, les loas des morts sont célébrés.  On y retrouve les Barons, Grande Brigitte et les Guédés.   Je prétend pas être un expert en religion vaudoue mais je peux vous toucher un mot sur les aspects du vaudou auxquels j'ai été confronté lors de ma visite du cimetière.

Grande Brigitte (Grann Brijit)



Dès l'arrivée au cimetière, on voit une image de Grann Brijit.  D'ailleurs, près de cette image se trouve un local occupé par le "rara" Grann Brijit qui est une organisation qui fait des processions autour du cimetière dans les périodes de raras.  La grande Brigitte est la première femme enterrée au cimetière, tout comme le Baron Samedi est le premier homme enterré au cimetière.  Donc chaque cimetière a son Baron Samedi et sa grande Brigitte.  Ils sont les gardiens du cimetière.  Baron Samedi est le maître des barons et des guédés et Brigitte est son épouse.

Je me suis donc rendu visiter la tombe de Grann Brijit, où on retrouve des offrandes et quelques personnes adeptes du vaudou s'y trouvaient.




Évidemment, je ne pouvais aller au cimetière sans rendre hommage à Baron Samedi.



Derrière les deux tombes (Bawon Samdi et Grann Brijit), on retrouve une peinture représentant ces deux loas:


Le 2 novembre, en Haïti, c'est la fête des Guédés et des Barons, c'est la fête des morts et les célébrants vaudous se rendent au cimetière pour célébrer et rendre hommage.  On me dit que le plus difficile n'est pas de me rendre au cimetière, mais plutôt de me frayer un chemin dans la foule immense qui s'y trouve.  Bref, si possible, je me pointerai ici le 2 novembre, mais il est fort possible que je ne pourrai jamais me rendre jusqu'à la tombe de Baron Samedi et Grande Brigitte, en raison de la foule qui s'y trouvera.  Mais ça ne coûte rien d'essayer!

Évidemment, il n'y a pas que Bawon Samdi, il y a d'autres Barons tels que: Bawon Kriminèl ou Bawon Lakwa.  Et il y a une foule  de guédés (ex; Guédé Zaranyen, Guédé Mazaka...)

Mais le cimetière donne aussi lieu à d'étonnantes surprises.  Lors de notre promenade, j'observais les caveaux et mon oeil a été attiré par quelque chose d'attaché sur un caveau situé en retrait... une poupée Baka.



Je me suis approché pour prendre une photo de la poupée Baka de plus près, mais sans toutefois y toucher ou la déranger de quelconque façon. Il y a des choses qu'il faut respecter dans un cimetière, il y a les morts certes mais aussi les forces qui y sont invoquées.


Je me suis informé sur les motifs possibles pour la présence d'une poupée comme celle-ci sur la tombe et on m'informe que ce n'est certainement pas pour la protection d'un mort ou pour son éternel repos.  Ce pourrait plutôt être pour une vengeance ou dans le cadre d'un "expédition" où le prêtre vaudou "expédie" l'esprit d'un mort pour faire du mal à quelqu'un.  Car le vaudou est une religion, on peut servir de la main droite (faire le bien) ou de la main gauche (faire le mal)... et certains houngans (prêtres vaudous) ou mambos (prêtresse) servent des deux mains.

Après la visite du cimetière, nous avons visité les bureaux du service des décès de la mairie qui sont situés dans l'édicule du cimetière (voir photo plus haut).  Nous avons donc visité les bureaux:



Comme vous le voyez les bureaux sont plutôt simples et on y retrouve peu d'accessoires.

J'en ai profité pour prendre quelques clichés des archives du service des décès:



Lorsqu'on consulte les registres, on peut constatez que nous ne sommes pas encore à l'ère des archives électroniques, mais ça viendra!   Je dois vous dire que les documents que j'ai vus ici ne sont pas tous récents. Les certificats de décès et autres documents plus récents ne sont pas entreposés ici, mais les documents plus vieux le sont. Avis aux archivistes... il y aurait peut-être du boulot à faire!

J'ai pris un cliché d'un registre:



Autrefois, les permis d'inhumations étaient remplis ainsi:



et classés ainsi:



A la fin de ma visite, j'ai remarqué dans l'armoire contenant les archives la présence d'une petite bouteille d'Eau de Floride.   Cette eau est prisée par certains loas.




Lorsque j'ai mentionné la présence de l'eau de Floride, les personnes présentes ont tout simplement souri.  Mais je me suis abstenu de poser trop de questions, parfois, il faut savoir se taire.  De toute façon, le silence qui régnait et les sourires presques gênés en disaient plus long que les paroles.

Pour terminer, lorsque nous avons visité Baron, nous avons été rejoins par des "résidents" du cimetière:




Ceux-ci nous ont demandé de leur donner de l'argent.  Je vous donne ce conseil, dans une telle situation, accepter de donner l'argent est la chose à NE PAS FAIRE... sauf si vous voulez créer une ruée vers vous et vous retrouvez dans une situation non seulement incontrôlable et inquiétante, mais potentiellement très risquée pour votre sécurité et votre santé ou, à tout le moins, pour votre porte-feuille!

Bon, bien sur ces quelques paroles, je vous laisse et vous dit à bientot!

Babay

Richard

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